Je n’ai jamais porté dans mon cœur la chaîne de distribution
« de biens culturels Virgin ».
L’annonce de son dépôt de bilan en
janvier dernier m’a toutefois quelque peu tracassée. J’ai alors pensé, comme
beaucoup d’autres, que si Virgin tombait, nous - gens du livre et plus
généralement des affaires dites culturelles - allions tous finir par suivre le
colosse aux pieds à présent argileux.
Il m’est bien sûr arrivé d’y faire l’acquisition de cd, dvd
et quelques livres aussi, en désespoir de cause souvent, à l’occasion de
cadeaux urgents, faute de temps, de mieux et d’idées. Quand on travaille dans
l’édition, on fait généralement assez attention à ces choses là et pour les
livres, on privilégie les librairies de quartier, les indépendantes ou les
spécialisées.
Je ne m’attarderai donc pas à de vains regrets et nostalgies
fallacieuses.
C’est le hasard et l’indignation qui m’amènent ici. Alors
que les klaxons retentissent dans le bas des Champs-Élysées et que des petits
gars sortent fièrement, le ventre à l’air, des fenêtres et d’un éventuel toit
de leurs voitures - démesurément naines au regard de l’exploit sportif - il se
passe plus haut un événement tout aussi spectaculaire.
L’after footballistique s’est semble-t-il soldé la nuit
dernière par des interpellations, affrontements et violents incidents qui font
et feront évidemment les gros titres. La violence physique fait toujours son
petit effet et de facto vendre.
Que dire et dira-t-on de celle tout aussi frappante, mais
cette fois symbolique, qui assomme le Virgin Megastore des Champs-Elysées et
également l’ensemble des magasins du groupe ?
Nous arrivons sur le coup de 18h30. Une affiche annonce en
large des soldes « à partir de 50 % sur tout le magasin » et promet
20 % supplémentaires aux clients possédant la carte de fidélité.
Les environs sont déjà dévastés. C’est bien simple, les
rayons ont été pillés. En priorité l’électronique, l’informatique et tout ce
qui finit en « ique » vendu normalement à prix d’or. Les livres sont
épargnés, sauf certains sélectionnés pour le bazardage. On ne sait d’ailleurs
trop pourquoi. Plus aucune logique ne semble ici encore faire loi. J’entends un
jeune homme qui se moque de son ami « Mais pourquoi t’as pris cette énorme
bloc multiprise alors que tu vis dans un minuscule studio ? » L’autre
lui répond qu’ « on ne sait jamais », que « ça peut
toujours être utile ». Les affamés de consommation font leurs emplettes
avant le drame comme on se ravitaille avant l’ouragan ou la tempête.
Pendant ce temps, 700 salariés attendent, sciant la branche
sur laquelle ils sont encore assis, de connaître le résultat du plan social par
lequel ils sont visés.
Il faut faire la queue au moins une heure pour faire
l’acquisition du superflu ou de l’utile à prix cassé mais personne ici ne
paraît évidemment se soucier de l’avenir des employés du groupe, ni même ne
s’interroger sur la portée d’une telle action. Il faut en profiter en premier
lieu et peut-être avant d’être frappé par le laser de la crise. C’est avec
écœurement que nous sortons du magasin, ahuris du manque de considération, de
responsabilité et je crois d’humanité de ces charognards consuméristes.
Spéciale dédicace à Virginie, Madame Jay, à qui on pense très fort.
RépondreSupprimerOui ! On pense très fort à elle et aux employés de Virgin. C'est une étape difficile. Déjà que la pilule du licenciement n'est pas évident à avaler, cette braderie sauvage est une cerise sur un gâteau étouffe chrétien.
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