26/05/2009

L'INCONSCIENT IMPIE - PREMIER CERCLE


La foule grondait. Ce tonnerre allait probablement tenir le quartier éveillé une trop grande partie de la nuit. Les convives s’attroupaient au creux du jardin. Leurs pieds dansaient avec peine entre les rainures des caillebotis, leurs corps encore un peu rigides réclamaient quelques liqueurs, les mains se cachaient quant à elles dans les poches des vestes, vestons, pull-overs trop lâches, combi-pantalon, blazer court, vulgaires jupes, grand trench névralgique, jean provocateur, gilet en mailles fines et resserrées, petite robe noire, bermuda, robe tee-shirt, pantalons classiques, perfecto vintage, tunique, chino retroussé, pas de ciré, un short trop court lui aussi provocateur mais à ses dépends.
Des intellectuels de haute voltige discutaient de l’état des institutions religieuses. Cette conversation avait été motivée par l’expression spontanée et inattendue d’un refus catégorique : « À quoi bon le faire baptiser ? » Si la vie était ailleurs, il était évident qu’elle ne serait transcendée pour aucun d’eux par les cieux. Ils avaient ri de bon cœur et s’étaient moqués respectueusement des craintes naïves et archaïques dont avait fait part la mère de leur ami et que ce dernier avait scrupuleusement relatées ce soir là.
Elle avait été traversée par un anxieux doute judéo-chrétien dès lors qu’elle avait été investie bien naturellement de l’autorité de first granny. Le petit Stephen devait recevoir la protection respectueuse et divine du père tokyoïte Nanashi pour qui elle se consumait de dévotion et d’admiration étonnée. Elle avait ainsi décidé d’aider le nouveau-né à se tirer hors des bras du Styx.
Le décisionnaire avait rejeté le plus délicatement possible l’invitation religieuse ; elle s’était montrée déçue et avait insisté habilement. Il avait haussé la voix et changé de ton ; son visage déjà bien marqué s’était recouvert d’une grimace agacée et ses phrases avaient été progressivement contaminées par des réprimandes amères. Il avait décrété en colère qu’il ne foutrait, sous aucun prétexte, les pieds dans une église pour faire de son fils un béni oui-oui ; elle avait abdiqué en mentionnant qu’elle avait vraiment tout raté avec lui et ses frères.
Le mépris qu’ils affichaient à l’égard de ces propos ne choquait, ni n’offensait personne. Il était entendu auprès du plus grand nombre que la religion ne séduirait plus les esprits. Ce petit cercle constitué d’écrivains, poètes, chercheurs de renom, satiristes et autres cérébraux fantaisistes n’avait que faire des bénédicités, calices et recommandations soufflées dans une haleine fétide d’Ostie desséchée. Ils trinquèrent à la santé de Jésus et retournèrent à leurs conversations.


Dan Witz, Hoody, 1996, oil on canvas, 26x26.


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