30/04/2009

LE PASSE-MURAILLE - VESTIBULE


Le passe-muraille et fantôme d’un soir s’accrochait aux regards, tentait sans entrain de choper dans son vol une joute verbale. Le cerf-volant percé s’échappait avec peine plus loin. L’impassible indifférent y pendait chétif et seul. L’assemblée s’amusait avec une gaité constante et renouvelée. Elle lui mettait du baume au cœur, l’écartait des soirées solitaires.

Une de ses proches lui avait imposé la compagnie d’un triste chat grassouillet. Il se baladait l’âme perdue dans son petit appartement trop empli. L’homme spectral avait d’abord exprimé une certaine crainte en le voyant déambuler entre son vase Ming, sa petite pendule Louis XVI en bronze ciselé et doré et ses endives en or massif qu’il avait dégotées dans le ventre d’une brocante.

La servitude sociale à laquelle il s’adonnait l’écartait des considérations existentialistes que son esprit n’était pas en mesure de formuler. Il était toujours invité aux confédérations amicales, pots de départs, crémaillères, cocktails, dîners, lancements de tel ou tel produit, livre, parfum, montre sans bracelet, téléphone sans main et autres fantaisies avant-gardistes. D’aucun ne se serait pourtant aventuré à lui adresser la parole ou à l’inviter à véritablement prendre part aux festivités.
Avec son grand trench d’inspecteur névralgique il paraissait, tel un critique d’art désabusé, jauger la foule d’un air méfiant que tous jugeaient défiant et mesurer le degré de réussite de la dite fête. Il n’avait pourtant jamais manifesté le moindre jugement intérieur. Il était simplement là, ce soir là comme un autre, les pieds campés dans le sol, le champagne accroché à la main, la foule impatiente virevoltant un peu plus loin.

Dan Witz, Big Mosh Pit, 2007, oil and mixed media on canvas, 46x70.

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