J’ai donc élaboré quelques plans que je ne souhaitais pas plausibles mais avant tout brillants. C’est à mon imagination que j’ai choisi de faire appel. Cette coquine m’a immédiatement proposée la voix de la jalousie car il m’importait moins de me percevoir et me connaître que de déceler l’ensemble des vérités, cachées, enfouies et souvent inaccessibles de l’autre. Par « autre », j’entends ici être pour qui je voue dans un temps T une affection toute particulière. Cette recherche épuisante car inlassablement renouvelée m’a évidement exposée à des souffrances diverses et finalement très peu variées. Pour beaucoup le jaloux habite le néant, un espace irréel où la vérité n’est que rarement couronnée. L’exactitude du propos que j’anticipe n’a pour ma part que peu d’intérêt. Je me fiche éperdument de contrefaire la réalité. A la faveur de mes humeurs jalouses, j’ai toujours un tour d’avance sur le présent. J’administre avec clémence les aventures de mes amants lorsque mon âme est apaisée. Les jours chagrins et atrabilaires je supervise leurs tromperies et les blâmes à l’aide de mots agressifs que j’exige blessants. Les conséquences sont nocives mais il n’y a qu’ainsi que je parviens à percevoir le présent et le futur auxquels les abrutis de platoniciens se refusent invariablement emportés par leur amour de la vérité et leur obstination à vouloir moraliser les normes cognitives. La vérité est en soit une plate hypocrisie et suivant les conseils éclairés de Richard Rorty : « Nous devrions [définitivement] abandonner l’idée que la connaissance est une tentative pour représenter la réalité. » (2)
(1) Henri Bergson, Matière et mémoire
(2) Richard Rorty, Philosophie et espoir social
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