C’est une île tu peux en faire le tour sur la pointe des doigts.
C’est une île posée là en instance à la surface du monde,
allongée sur l’évènement qui court, accroupie au bord d’un inconnu qu’on ne
peut ni chercher ni éviter ni obtenir ni.
Une île puisqu’excepté le temps et l’espace du temps ce qui
existe à un contour.
[dans
la leçon des cercles, dans les lignes et les heurts,
pour
épouser le cintre]
C’est une île à un seul unique premier et dernier habitant,
c’est une île on y tient dedans, on pourrait sans doute y tenir mieux, encore,
davantage.
C’est une île avec plis, pliures, brisures d’angles, rives
et rochers, flèches et dunes, issues et tunnels, changements d’état. Avec peau
sous la forêt sous le coton avec sang sous le cuir avec misères et prodiges
sous l’apparence l’apparence n’est pas elle. Une île avec mouvements
caractéristiques, crêtes de rythme, déferlements. Une étendue, la couleur est
partout, fragile et forte sous la foulée des jours – et des points imaginaires
où puiser la faculté de bonheur.
[l’été commençait à se dilater et mon cœur nageait sur le dos
vers une destination aussi urgente que le bleu
du ciel aussi urgente qu’insaisissable]
C’est une île sans autre mesure que ses proportions, tu ne
peux la faire grande ni la rétrécir avec des mots.
[je te voyais petite flottant à la dérive inaccessible
je ne voyais pas que c’était moi qui m’éloignais]
C’est une île qui a pour premier nom être au nom de rien d’autre – un lieu de passage parfois prolongé
par la pensée.
Une île y venir y revenir, y délier gestes les prêter au
relief, écouter le langage des flux.
[je n’ai faim que d’une chose dit
le corps]
Une île tu peux la porter dans tes bras pour aller peut-être
plus loin que tu ne crois.
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Texte inédit de Mathilde Roux. Juin 2013
Photographie : La Femme Paysage est une démarche à l'écart des collections, c'est une recherche de vêtements-territoires, élaborée par la créatrice Marie Labarelle. À la photo, Matthieu Gauchet et à la pose élégante et gracieuse, la danseuse Marie Barbottin.
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Mes mots pourraient être intarissables s'il s'agissait de qualifier le plaisir que j'ai d'accueillir pour la seconde fois Mathilde Roux, auteur du blog Quelque(s) Chose(s), en ce lieu [Mathilde réalise également des collages poèmes que l'on trouve ici] Un plaisir de lecture tout d'abord car ce texte est immensément beau, et ce n'est pas pour la caresser dans le sens du poil que j'en fais la confidence. Si le monde était à magnifier, voici une trace numérique de l'objectivation de sa beauté. Un grand merci à l'auteur de me faire ce cadeau.
Au départ de notre échange, le corps en proposition [de Mathilde] et l'invitation d'y proposer une image. J'ai choisi ce portrait de femme-paysage, création à trois mains, hybride, mystérieuse et je trouve fascinante : une créatrice Marie Labarelle, qui réalise notamment les costumes de scène de la chanteuse Camille mais pas que. Matthieu Gauchet qui capture l'instant et Marie Barbottin danseuse qui se charge de l'incarner.
Je remercie Eva de m'avoir permis d'en faire la rencontre dans son ex studio bellevillois
Quant au contexte de cet échange, il s'agit des vases communicants et plus que jamais je loue son existence.
Projet où s’entrecroisent les mots, à l’initiative du Tiers Livre (François Bon) et de Scriptopolis (Jérôme Denis) qui reprend le titre programme d’André Breton, Vases communicants.
L’idée est simple, riche et définie là : « le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. »
La liste complète de l'ensemble des participants est dressée par Brigitte Célerier et à retrouver ici : http://rendezvousdesvases.blogspot.fr
Mon texte se trouve de son côté ici : http://www.mathilderoux.fr/2013/06/vasesco_accheron.html
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