05/10/2012

TEXTE DE CAMILLE PHILIBERT-ROSSIGNOL, EMPRESSEMENTS, VASES COMMUNICANTS, OCTOBRE 2013

Lever le regard et panneau lumineux, clignotements jaunes : train à l'approche en lettre penchées. Accélération à oser. Les escaliers sont dévalés, dernières marches survolées, amorti sur le quai et vite vite dans le serpent d'acier. Gens dedans. Corps tassés. Foule amassée. Tassés du matin près des vitres, paysages verts, pavillons gris, cumulus magnétisés quand le freinage s'amorce dans une accumulation de couinements. Chloing. Avec un peu beaucoup de chance, les deux prochaines stations sans arrêt. Les doigts courent sur les portables. Souvent des écouteurs dans les oreilles bercées par des musiques aplaties. Voix féminine, synthétique, répétant d'un ton robotique: Prochain arrêt à la station, à la station. La grande station. Là où l'on sort en masse, d'autres affluent presqu'autant. Les assis tressaillent. Les sièges se libèrent quelques secondes. Un piaillement froid rythme le passage entre les immeubles collés à la voie. Devant les portes, une poussette, des valises. Effacement du bleu du ciel. Prévoir dès Châtelet les Halles, qu'à l’Etoile, l'issue sera forcément de l'autre côté. Auprès de de la porte opposée, ne pas hésiter à se placer -en fonction de la densité humaine ça peut résister, c'est imprévisible, tout dépend de. Placement des pieds, retenues des mains, inclinaisons bancales, celui qui s'endort sur place relève le buste brusquement. Souvent touristes et provinciaux restent scotchés pile où ils sont entrés. A l'endroit exact où ils se sont mis sans bouger d'un cil. Des nez restent collés aux vitres éraflées, des épaules s’incrustent dans les mâchoires, des sacs dans les bides. Compression accentuée. Délimiter un petit espace, une place à soi, minimale mais à soi, on tente, on s'efforce. Puis annonciatrice de l'ouverture aussi imminente que programmée des portes, une lueur vient, vient, s’amplifie. Détente furtive, léger déploiement articulaire. Déclic mat de l'ouverture des portes. L’homme à la béquille, il brinquebale, celui aux écouteurs qui va dare-dare et l'habituée zigzagante avec art. Les trajets se lancent dans une cacophonie de pas, droites floues, courbes nettes, zigzagements ou errances limitées. Accélérations progressives, virages pris serrés dans des cadences énervées et quelques ombres allongées que je ne vois pas. L'escalator, un goulot où la masse s'effiloche et devient brusquement… des gens. Piétinement sur les marches mouvantes. Transfert latéral libérateur. Finie les ombres sans profondeur, mais des silhouettes qui en contre-jour se dessinent en contre-jour sur le ciel.

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Vendredi 5 octobre, premier vendredi du mois : il s’agit d’échanger, d’accueillir et d’être hébergé en retour, de laisser un instant le refuge scriptural communiquer avec un autre espace.
Un projet où s’entrecroisent les mots, à l’initiative du Tiers Livre (François Bon) et de Scriptopolis(Jérôme Denis) qui reprend le titre programme d’André Breton, Vases communicants.

L’idée est simple et définie ici : « le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. »



Ce mois ci j'échange avec Camille Philibert-Rossignol qui habite pour sa part ici

J'accueille avec plaisir et amusement son poème de métro. Là, pas de thème défini entre nous, en amont. J'avais failli lui glisser un "trajet Pyrénées - Paris", puis me suis rétractée, préférant une piste différente, une autre exploration. Une description, plus statique pour ma part. Nous avons toutefois en commun la notion d'espace et, plus étonnement, un boiteux. http://camillephi.blogspot.fr/

Merci également, encore et toujours, mais il ne faut pas se lasser de le répéter, à Brigitte Célérier (auteur du blog Paumée) pour son travail de recension active et de synthèse lettrée.  


Texte : Camille Philibert-Rossignol // http://camillephi.blogspot.fr/
Échange Vases Communicants, oct. 2012