06/05/2010

TEXTE DE MATHILDE ROUX, VASES COMMUNICANTS - MAI 2010


Prenons place, mettons-nous à l’aise, ne garde pas ton manteau sur le dos – celui-là et les autres en dessous –, qui donc t’oblige à être couvert, plombé, chargé de circonstances, porteur de précautions, loin de ta peau ? Qui t’oblige à être sur le départ, prêt à la fuite, déjà ailleurs alors qu’ici il fait chaud ? Qui d’autre que cette partie de toi prisonnière du costume, confinée aux rôles imposés par soi-même, enfermée dans l’errance et la velléité, déguisée en porte-étendard, cette partie de toi qui étouffe à force de grelotter.


Prenons la place créative, celle qu’il reste à inventer, prenons la place forte, celle où le seul danger est la peur du risque, l’absence d’ouverture, l’absence d’émotion.

Prenons nos cliques et nos claques, quittons la file d’attente, sa parenthèse ne peut nous contenir entiers. Quittons la place numérotée, pourquoi s’asseoir dans les rangs de cette assemblée plantée de figurants, c’est à autre chose que nous voulons assister.
Prenons la place offerte, entre nous, la position de contact. Prenons la place en vue d’ici, qu’elle soit convenable ou pas. Ne garde pas ton manteau sur l’épaule, je veux te voir entier. Ne garde pas ton manteau sur le bras, allège ton mouvement vers moi.
J’ai déplacé les coursives, déplacé les points sur les cartes, dépecé les fantômes, j’ai vidé les armoires aux artifices, j’ai vidé les coulisses où je choisissais chaque jour une certitude qui m’irait bien, une certitude cintrée, pendue, préservative. Je libère de l’espace.
Place, place, place. Je suis à nu. Ne garde pas ton manteau sur toi.


© Mathilde Roux, mai 2010




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Vendredi 7 mai, premier vendredi du mois : il s’agit d’échanger, d’accueillir et d’être hébergé en retour, de laisser un instant le refuge scriptural communiquer avec un autre espace.

Un projet où s’entrecroisent les mots, à l’initiative du Tiers Livre (François Bon) et de Scriptopolis (Jérôme Denis) qui reprend le titre programme d’André Breton, Vases communicants.
L’idée est simple et définie ici : « le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. »

Je suis ravie d'accueillir à cette occasion "quelque chose" de Mathilde Roux auteur du blog
Quelque(s) chose(s) : objet précieux et sensible et heureuse découverte faite très récemment. J'ai été imédiatement séduite et conquise par ses mots et sa sensibilité. Je la remercie d'offrir à mes fragments un si joli texte.

Merci également à Brigitte Célérier qui dresse ici une liste des différents vases communicants de mai

4 commentaires :

  1. beaux mots pour dire le désir de liberté à deux

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  2. Quelle belle ouverture ! Si le manteau ne tombe pas, c'est à rien comprendre ! :)

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  3. Merci d'habiller mon texte de vos retours !

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  4. C'est un beau texte, sensible, dont j'aime beaucoup la lancinance. L'échange entre vous est très judicieux je trouve, vos écritures vont très bien ensemble.

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