01/02/2009

DÉROBADE



La main erre sur la table, s’agite soudain, paniquée de voir le silence s’installé entre lui et moi. Elle se donne une contenance en plongeant nerveusement entre les débris, pièces de choix et outils du quotidien qui peuplent une grande besace informe cachée entre les pieds d’une chaise. Elle entraîne déjà un bras dont le mouvement saccadé impose finalement une distorsion généralisée au corps auquel il est rattaché. L’objet de cette quête effrénée n’a que peu d’intérêt. Il s’agit peut-être d’un briquet, téléphone ou portefeuille.

J’évite de croiser son regard par peur d’y voir se refléter les impitoyables pensées que je cultive à mon égard. Chaque rencontre est l’occasion, voir même le prétexte, d’un face à face renouvelé avec moi-même. Elle me fournit des raisons de discuter mes capacités et dévoile des excroissances de doutes que j’avais précautionneusement recouvertes. Je distribue quelques mots, tente de placer un jeu d’esprit habile pour ne pas laisser de moi l’image d’une idiote écervelée. Mon corps se crispe, se contracte. Je me replie, prise au piège de cette exhibition involontaire. Par crainte de ne pas être à son goût, j’ai décidé de ne rien donner de façon délibérée ; mon corps me trahit déjà bien amplement.


Jean-Louis Igout (1837- Vers 1882) - Jeu de mains, étude pour artistes - Vers 1875-1880
Epreuve sur papier albuminé à partir d'un négatif verre au collodion ; H. 19,4 ; L. 13,8 cm
Paris, musée d'Orsaydon de Mr Carmelo Carra par l'intermédiaire de la Société des Amis du Musée d'Orsay

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