02/11/2008

C'EST LA FAUTE À PYRRHON

J’essaye invariablement de retenir l’attention de toutes les pupilles qui s’égarent dans les rues et wagons, cherche dans cette confrontation visuelle une preuve de mon existence.
Je continue à douter de la réalité effective des choses et personnes qui m’environnent. Il m’arrive de penser qu’elles ne sont qu’un produit illusoire de mon imagination. Ce scepticisme me cause bien des torts. Alors que je suis en pleine discussion avec un ami à la terrasse d’un café, mon esprit divague un instant, troublé par le regard d’un voisin de table. Comme il me scrute et me dévisage, commence à croire que son attitude est un appel qu’il me passe pour me prévenir de la gêne dont je me recouvre, en soliloquant ainsi sans raison avec un compagnon imaginé. Ma pensée vacille et hésite entre les deux hypothèses. Me sentant épiée et rangée aux côtés des détraqués, je baisse la voix et le débit de mes mots jusqu’à me contenter de répondre pensivement. J’espère ainsi que le voyeur détournera son attention en réalisant que je ne parle pas seule mais répète mon texte pour une pièce de théâtre à venir. Mais ne pouvant pas expliquer à mon interlocuteur que je suis en train de remettre en question le fait qu’il soit véritablement avec moi, je m’oblige à conserver une attitude polie, mais retenue. Je suis envahie par la crainte qu’il pense que je m’ennuie avec lui. Je ne veux aucunement l’importuner, cependant déjà je ne l’écoute plus. J’essaye de trouver en vain les solutions pour me sortir de ce traquenard. Le plus souvent, je prétexte une vilaine migraine. Nous ou je, quittons ou quitte, la terrasse où je suis prisonnière des mes angoisses. J’essaye de m’éloigner au plus vite de cet endroit et de faire des adieux prompts et simples. À ce moment précis, je sais que mon doute ne sera pas apaisé. Il est donc nécessaire que je me défasse de la présence encombrante de cet empoté fictif. Je file au plus vite, m’engouffre dans un métro et savoure cette solitude rassurante enfin retrouvée.

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